As long as you don’t steal we share

Journées d’études et de rencontres les 3, 4 et 5 avril 2024

Comment Internet a permis de faire exister des objets culturels et des expériences artistiques en dehors des circuits marchands et institutionnels ? S’agit-il d’objets culturels et d’expériences artistiques qui ne circuleraient pas du tout en l’absence de certains écosystèmes de diffusion alternatifs ? Faut-il inventer des économies (le don, le piratage…) et des structures juridiques (les licences libres…) pour faire exister autrement ces productions créatives ? Est-il simplement question d’échanger des films (livres, disques etc.) d’une façon différente ou bien aussi de construire d’autres relations sociales ? Ces relations concernent-elles uniquement la vie on-line - ou bien engendrent-elles et accompagnent-elles des formes de vie collective off-line ? Peut-on dire que ces écosystèmes de diffusion hétéroclites patrimonialisent et archivent notre histoire artistique d’une manière inhabituelle et pourtant précieuse ? S’agit-il de fossiles d’un heureux Internet d’avant les plateformes où régnait le peer-to-peer, ou bien de niches de potentialités à venir ? Comment ces environnements alternatifs de circulation artistique mettent en discussion radicale une série de présupposés traditionnels sur la rémunération de la création et la protection des productions plastiques ou intellectuelles ? Des dispositifs tels que l’intermittence ou le revenu universel, pourraient-ils nous aider à entreprendre une critique du copyright ? Toutes ces questions s’agglomèrent au carrefour entre droit de la création, économies de la publication et usages sociaux des productions culturelles. Ces journées de rencontres et réflexion font écho à quelques actualités du monde éditorial et du débat intellectuel, notamment Patrimoine pirate de Kenneth Goldsmith, les livres issues des activités de La buse (Notre condition d’Aurélien Catin et Aujourd’hui, on dit travailleur·ses de l’art de Julie Burtin Zortea) ainsi que Copiez ce livre d’Eric Schrijver. Elles associeront des recherches issues de disciplines différentes (droit, info-com, anthropologie…) à des artistes, des éditrices et des étudiant.es dans le but de problématiser d’une façon critique et créative la corrélation entre dispositifs de diffusion, tradition de la propriété intellectuelle et statut du travail artistique.

Mercredi 3 avril

17.00 à 18.30

Lancement du workshop Curation Pirate, Pirate Care

Pole numérique (ESADSE) – Cité du design
20 inscrit.es (UJM/ESADSE)

Ouvert aux étudiant.es de l’ESADSE et de l’UJM, cet atelier proposera aux participant.es d’explorer et de questionner le monde des archives numériques "fantômes" – tel que UbuWeb, Derives ou Monoskop - qui cataloguent et mettent à disposition une quantité innombrables d’artefacts artistiques et intellectuels (livres, films, sons…). Dans un premier temps nous présenterons ces écosystèmes et discuterons de leur fonctionnement à partir de quelques propositions théoriques ainsi que de nos expériences situées. Ensuite nous proposerons au groupe d’inventer des dispositifs d’activation et de rediffusion de certains matériaux trouvés par un geste de curation artistique pouvant donner lieu à une installation, une séance d’écoute, un espace numérique, un objet éditorial imprimé… L’atelier suivra les débats des jours suivants et se terminera le vendredi.

18.30 à 19.00

Du serveur à l’étagère : Quelle forme donner au pdf imprimé ?

Mathias Hû (étudiant ESADSE/artiste)
Auditorium ESADSE

Parmi les .pdf qui transitent entre nos PC et les serveurs, il arrive que nous voulions, pour diverses raisons, en sortir quelques uns de l’écran pour leur donner une existence papier. Cette conférence est un petit tour des spécificités du processus d’édition de livres pdf, de la nature des documents d’origine, en passant par les différents enjeux et outils de l’impression et du façonnage, jusqu’à leurs utilisations et existences comme objets dans nos bibliothèques.

19.00 à 21.00

Auditorium ESADSE

Projection autogérée CRITICAL SPACE

L'Arbre, le Maire et la Médiathèque, Eric Rohmer 1993
organisé par Thomas Goumarre(étudiant ESADSE/artiste)

Quelle différence faites-vous entre un architecte et un cinéaste ?
Eric Rohmer : Le cinéaste prend le monde tel qu’il est ; l’architecte le modifie. Sa responsabilité est effrayante, car il ne peut pas construire sans détruire. Ou bien il construit à la campagne, et il commet une agression contre la nature. Ou bien il construit dans un tissu déjà existant, et doit donc en détruire un fragment pour le remplacer par un autre. On peut évidemment objecter que le fragment détruit méritait de l’être. C’est ainsi qu’au XVIIe siècle on remplaça certains édifices du Moyen-Âge par des neufs qui, cent an plus tard, furent à leur tour abattus par Haussmann. Mais, à présent, on s’aperçoit qu’un patrimoine que l’on croyait sans intérêt méritait d’être gardé : il s’en est fallu de peu que Le Corbusier ne fit raser ce qui est devenu aujourd’hui le musée d’Orsay. A propos de la destruction d’une tour médiévale à côté des Arts et Métiers, Victor Hugo a écrit : “Il ne faut pas démolir la tour, mais l’architecte.”
Free pop-corn sur place !

Jeudi 4 avril

9.00 à 12.30

Workshop Curation Pirate, Pirate Care

Pole numérique (ESADSE) – Cité du design
Coordination : J. Rasmi (UJM), Jeremie Nuel (ESADSE), E. Schrijver (artiste)
(avec café d’accueil)

12.30 à 14.00

Pause repas

14.00 à 17.00

Workshop Curation Pirate, Pirate Care

Pole numérique (ESADSE) – Cité du design

19.00

Chaque fête fête la copie / Every party is a copy party

Eric Schrijver (Artiste)
Les Limbes
7, Rue Henri Barbusse, 42000 Saint-Étienne, France

Les lois impactent la création. Dans la musique le sampling est arrivé, a connu son apogée et a quasi disparu suite à une montée de procès. Aujourd’hui, ce sont que les artistes avec l’appui des grands labels qui peuvent se permettre un sample reconnaissable. Les autres, nous faisons avec les moyens de bord. Pourtant l'envie de rendre hommage, elle est toujours là. C'est un plaisir singulier d'entendre les rythmes et les phrases voyager d'un univers musical à l’autre. Et les dj’s et musicien·nes y parviennent quand même : les pistes de danse aujourd’hui sont pleines de remix, de mashups, de ré-interprétations. Quelles sont les stratégies de distributions et les réseaux parallels qu’iels emploient, et qu’est-ce que ça implique pour les praticien·nes des autres disciplines ?

20.00

Présentation de Copiez ce livre (2023) et d'autres aventures éditoriales des Commissaires anonymes

Mathilde Sauzet (éditrice, commissaire et enseignante)

Les Limbes
7 Rue Henri Barbusse, 42000 Saint-Étienne, France

21.00

Les Limbes
7 Rue Henri Barbusse, 42000 Saint-Étienne, France
Apéritif et mixtape

Vendredi 5 avril

Auditorium ESADSE

9.30
Café d’accueil

10.00

Le statut juridique du « travailleur intellectuel » et la fonction sociale du droit d'auteur : un débat ancien au cœur du nouvel écosystème de la création

Marion Briatta (MdC en Droit - UCLY)
Il y a quelques mois, le Parlement européen ouvrait un chantier sur la reconnaissance d'un statut social pour les artistes et travailleurs du secteur de la culture. Actant de la précarité croissante à laquelle sont livrés l'immense majorité de ces acteurs, le Parlement européen émis plusieurs recommandations visant à leur garantir une protection sociale renforcée dans un environnement bouleversé par les usages numériques. Si l’écosystème contemporain de la création est sans précédent, le projet lancé par le Parlement européen est loin d’être nouveau et fait directement écho au projet similaire porté par le Ministre Jean Zay sous le Front populaire. Un projet de réforme du droit d’auteur qui cherchait également à améliorer la situation sociale des « travailleurs intellectuels », mais qui échoua en raison de l'opposition farouche de certains intermédiaires de la création. En étudiant de manière croisé ces deux projets et les arguments de leurs opposants, nous essaierons de comprendre ce qui se joue politiquement, juridiquement et philosophiquement derrière l'adoption d'un tel statut social des « travailleurs intellectuels ». Un constat s’impose d’ores et déjà à nous. Dans les années 1930 comme aujourd'hui, une telle réforme impliquerait de reconnaitre la fonction sociale du droit d'auteur et donc, de remettre en question le paradigme propriétaire et individualiste ayant présidé la construction de ce droit.

11.00 à 12.30

Le travail gratuit, l'art et l'amour

Fanny Lallart (Artiste et éditrice)
Je présenterai mon travail d'écriture, de performance et d'éditrice. Je parlerai de mon équilibre économique en expliquant mes différentes ressources et mes méthodes pour trouver de l'argent.  Je propose en deuxième partie de présentation une lecture d'un texte appelé "La Fin du roman", qui durera une trentaine de minutes. Ce texte a été écrit en septembre 2023 et parle de travail alimentaire, des révoltes qui ont eu lieu suite à l'assassinat de Nahel Merzouk, et de contradictions qui peuvent nous traverser.

12.30 à 14.00
Pause repas

14.00 à 15.45

Contre-bande: une brève histoire de la création alternative en AURA (1980-1999)

Simon Debarbieux (anthropologue & disquaire)
Dans le sillage des contre-cultures musicales de la fin des années 1970 (musique industrielle, punk, no-wave), le début des années 1980 voit l’émergence d’une nouvelle scène musicale, portée par des acteurs faisant preuve d’une créativité débridée et intuitive, et opérant en marge des circuits formels. Une nouvelle manière de faire est à l’œuvre: libre et indépendante, sous le signe du Do It Yourself et souvent militante dans son rejet des valeurs capitalistes, bourgeoises et élitistes qui marquent la société d’alors. Cette scène musicale (qualifiée de post-industrielle), bien plus qu’unie par une esthétique sonore, est liée par des pratiques et des logiques sociales. Elle est structurée en réseau – constituée d’acteurs éparpillés de par le monde, de l’Europe Occidentale à l’Amérique du Nord via le Japon. Elle est aussi épistolaire, non-marchande, indépendante: ces mêmes acteurs entretiennent des correspondances et s’échangent, par le biais du service postal, leurs productions créatives (musiques enregistrées sur cassettes, dessins, photographies, peintures, fanzines). Et tous ces acteurs créent, produisent, échangent, publient, impriment, copient, bien peu soucieux des questions de propriété intellectuelle et des droits d’auteurs.

Inspiration Libriste

Vincent Mabillot (McF Info Com – Lyon 2)
À l'heure où le logiciel se privatisait dans les années 80, le logiciel libre émergeait comme une alternative durable et aujourd'hui féconde. Plus encore, le logiciel libre est la clé de voûte de notre univers numérique. Au travers de Wikipédia ou OpenStreetMap, la légitimité du libre s'est étendue à la connaissance et la création via les creative commons. Elle s'est rematérialisée dans les boites à partage, version in situ du peer to peer.  Le libre se distingue par le fait qu'il contrefait le vol par son «involabilité». Mais ses modèles économiques restent méconnus et suspects pour qui vit du droit d'auteur et de reproduction. La création est-elle le parent pauvre de l'émancipation libriste ?  Le propos de cette intervention, sera, dans un premier temps de resituer le logiciel libre comme modèle de création et d'innovation tant technologique qu'économique ou social. Dans un second temps, il sera question de repérer les passerelles ou les impasses d'une transcription des principes du logiciel libre vers la création artistique.

16.00 à 17.00

Une œuvre qui rémunère est une œuvre captive

Aurelien Catin (artiste et auteur)
Lors de cette intervention, nous verrons comment la logique patrimoniale du droit d'auteur et la longue tradition du paiement à la pièce dans le champ du travail artistique jouent contre la création et la diffusion des œuvres. Nous plaiderons en faveur d'un nouveau statut des travailleur·ses de l'art et de son corollaire : un salaire détaché de l'activité.

17.00 à 17.30

Lieux à déterminer dans l’école
Restitution du workshop

18.30 à 19.30

DERIVES.tv, une libre circulation de films

David Yon (ATER en études cinématographiques & cineaste)
La caméra des frères Lumière servait à la fois à enregistrer et à projeter des images. Aujourd'hui ces fonctions ont été séparées par une hyper spécialisation technique et je me demande s'il ne serait pas intéressant de retrouver une autonomie dans la diffusion des films. Ce désir est à l'oeuvre avec la revue de cinéma Dérives que nous avons fondé avec des amis. Comme une tentative de partager des films hors des circuits marchands.

19.30 à 20.00

Programme de courts-métrages tirés du site Derives :
St#1, Aude Fourel (2011)
Allegro, Véronique Goël (1979)